L'observatoire des agricultures de l'océan Indien (OA-OI)

Date de mise à jour : 22 avril 2024

Accompagner la transformation des systèmes de production agricole dans leur diversité des cinq pays membres de la Commission de l'Océan Indien (COI), est un réel challenge. Imaginer des investissements inclusifs, dimensionner ces investissements et les orienter, en toute connaissance, afin de rechercher de réels impacts sur les performances sociales, économiques et environnementales des exploitations et des pratiques est stratégique du fait de l’importance des défis à relever. Véritable outil d’aide à la prise de décision, telle est l’ambition de l’observatoire des agricultures de l'océan Indien. A travers la description et l'analyse qu'il permet, cet outil permet de construire une connaissance partagée de la diversité des modèles de production agricole, de leurs fonctionnements, de leurs performances économique, sociale et environnementale sur un territoire insulaire donné. Il permet de suivre dans le temps les évolutions attendues...

Sommaire

Éléments de contexte

Pourquoi?

Pour qui?

Quelle est la méthodologie utilisée?

Quelles sont les échelles envisagées?

Quelles sont les données nécessaires?

Quelle est notre approche?

Éléments de contexte

La région océan Indien se caractérise par une grande diversité de situations agroécologiques en particulier, politiques et socio-économiques, de cadres normatifs et législatifs différents d’un État à un autre, représentant parfois un frein aux échanges notamment commerciaux de produits agricoles entre pays de la zone et impactant dans certains cas les relations aux marchés régionaux voire internationaux. Le changement climatique, exacerbé par l’insularité, affecte ces états insulaires et pousse les agriculteurs à la recherche de solutions d’adaptation et d’atténuation afin de préserver ces espaces. L’insécurité alimentaire et la pauvreté sont encore très persistantes dans certains pays de la zone. La préservation et la valorisation de la biodiversité et plus largement de l'environnement, sont également des enjeux importants.

Dans cette région, l’agriculture et la manière dont les agriculteurs s'organisent n’échappent pas à cette diversité. Coexistent différents modèles d'agriculture familiaux et d'entreprise, ce dernier s'appuyant exclusivement sur des emplois salariés. Les cultures et les pratiques culturales y sont très variées. Différentes filières coexistent et, pour certaines, cherchent à se diversifier et se transformer. La conscience écologique et la satisfaction de nouvelles exigences des consommateurs incitent au développement et à la structuration de filières agricoles plus écologiques, issues de l'agroécologie, de l’agriculture biologique (oab) ou de modèles agricoles reposant sur des cahiers des charges ou protocoles apportant des garanties sur les pratiques agricoles mises en œuvre.

Au-delà des spécificités locales, des problématiques nationales et régionales communes émergent telles que les problématiques liées à l'emploi des jeunes, à leur formation et aux conditions de leur installation dans un secteur agricoles qu’ils jugent souvent encore peu attractif, liées à la place et au rôle clé des femmes rurales, liées aux enjeux écologiques et à celui de l'agroécologie en particulier, d’une transition réussie et d’une résilience accrue face aux changements climatiques, celle des relations aux marchés locaux, territoriaux, nationaux, sous régionaux et internationaux et des contraintes liées parfois aux normes et autres barrières douanières, celle de l’autosuffisance du ménage là où cette problématique se pose…

Pourquoi un observatoire des agricultures de l’océan Indien ?

Avoir une connaissance précise et réciproque des contextes agricoles et territoriaux, des agricultures et de leurs spécificités dans l’océan Indien apparait comme un véritable atout pour les décideurs et les acteurs du secteur agricole.

En effet, sur un territoire donné, la diversité de l’agriculture, qui s’inscrit dans des dynamiques sociales et économiques de production, de distribution et d’échanges complexes, fortement liées aux contextes, est encore trop rarement prise en compte dans l’élaboration des politiques. Ces dernières reposent habituellement sur des solutions uniformes pour tous types d’exploitations agricoles ce qui a ses limites et s’avère peu efficace sur la durée, leurs besoins respectifs étant spécifiques et différenciés.

De plus, dans le contexte actuel, lié à la crise sanitaire que nous traversons, la transformation nécessaire des systèmes agricoles de production, nécessite plus que jamais de pouvoir les accompagner en toute connaissance.

Ainsi, développer un outil d'aide à la décision pour l’action, reposant sur une base scientifique solide, prend particulièrement tout son sens. Telle est l'ambition de ce projet.

Ainsi l’observatoire est concrètement un outil: 

  •  De description et d’analyse, permettant de construire une connaissance partagée et harmonisée (variables, indicateurs et typologies) de la diversité des systèmes agricoles, de leurs fonctionnements, de leurs performances et de suivre dans le temps leurs évolutions différenciées et leurs marges de progrès;
Eléments de l’approche territoriale © Adèle Darras, Cirad
  •  Pour l’action, en proposant des produits et des services différenciés pour les acteurs du développement agricole et rural sur un territoire; pouvant aller de restitutions de résultats technico-économiques et de bilans d’exploitation simplifiés, en passant par la mise au point de référentiels technico-économiques et environnementaux par type de système de production, d'un appui au conseil et/ou l’établissement de plaidoyers…

Pour qui ?

Les utilisateurs potentiels sont nombreux et divers, publics ou privés:

  •  Les organisations de producteurs et les producteurs eux-mêmes qui à travers des bilans technico-économiques et environnementaux par type de systèmes de productions peuvent ainsi se comparer à d’autres systèmes similaires et estimer ainsi leurs marges de progrès ; permettant de développer des services améliorés en appui-conseil, en investissements et en formations en fonction des types d’exploitations agricoles, de la diversité des ménages et des conditions agro-écologiques rencontrées… ; permettant d'apporter des éléments de construction de plaidoyers intégrant les niveaux de revenus et de production observés et suivis, des coûts de production enregistrés et des stratégies d’investissements à mettre en place en fonction de la diversité observée des types d’exploitations;
  • Les pouvoirs publics (ministères ; services déconcentrés de l’État et des collectivités territoriales…), apportant des données et des informations objectivées sur lesquelles s’appuyer afin de bâtir des politiques de développement rural et agricole adaptées à la diversité des exploitations et efficaces; 
  • Les agences de développement et les ONG permettant un suivi-évaluation des impacts de leurs projets et de leurs investissements sur le terrain et participant à un dialogue facilité avec les acteurs publics.
Agriculture familiale, Région Betroka (Madagascar) © Yasuyoshi Chiba, FAO

Quelle est la méthodologie développée ?

Portrait Pierre-Marie Bosc

L’observatoire s’appuie largement sur les travaux de l’initiative internationale d' Observatoire des Agricultures du Monde (OAM/WAW), portée par la FAO qui « propose un cadre d’analyse harmonisé permettant d’orienter le ciblage des interventions de politiques publiques afin de rompre avec les instruments standardisés, parfois peu adaptés à des systèmes agricoles très diversifiés » précise Pierre-Marie Bosc, chercheur au Cirad et coordinateur de l'initiative au sein de la FAO entre mi-2017 et mi-2021. 

Ce cadre d’analyse harmonisé découle en grande partie du cadre « Sustainable Rural Livelihoods » (SRL), que l’OAM a adapté à ses propres besoins et qui cible les moyens d’existence et leur durabilité dans des contextes divers.

Il s’inspire des recommandations générales de la FAO en matière de recensement de l’agriculture – notamment pour la caractérisation des capitaux d’exploitation – qu’il complète avec la prise en compte des systèmes d’activités des ménages, de leurs performances et des conditions de vie des ménages pour les exploitations familiales.   

Ce cadre présente plusieurs avantages:

  • Il est largement connu et mobilisé à l’international ;
  • Y faire référence permet ainsi d’accroitre la possibilité d’un dialogue entre équipes d’horizons différents ;
  • Il met en exergue les relations sociales que les ménages entretiennent avec leur entourage et les institutions qui les accompagnent dans leurs stratégies ; 
  • Il repose sur une reconnaissance du rôle central des structures sociales, des organisations et des institutions, ce qui ouvre des perspectives en matière d’action collective et de politiques publiques ; 
  • Son approche est multi-niveau et dynamique permettant d’appréhender la diversité des activités et des pratiques et en considérant la place de l’agriculture au sein des systèmes d’activités et de revenus, y compris en matière d'auto-suffisance alimentaire, dans le cas des exploitations familiales.
  • Il combine normativité permettant la comparaison et adaptabilité nécessaire à la prise en compte de la diversité des contextes.

L'unité d'observation de base est l’exploitation agricole et le ménage agricole. Ce cadre permet de créer des typologies. Il permet aussi d'intégrer différentes échelles spatiales (filières et territoire notamment). L’approche cherche également à expliciter leur fonctionnement à travers des indicateurs précis et leur évolution à travers l'étude des éléments de contexte et des facteurs qui les impactent. Cela permet notamment, à travers les stratégies déployées, de comprendre les évolutions observées.

Des données actualisées, contextualisées et précises sur leurs structures (actifs ou capitaux naturels, physiques, humains, sociaux, et financiers) et sur leurs performances (indicateurs de performances économiques, sociales, environnementales) sont ainsi collectées et leurs évolutions dans le temps suivies. La performance sociale (avec une attention particulière portée à la nature de l'emploi – familial vs salarié, la protection sociale et l’accès aux services) est décrite avec attention.

Agro-écosystème et les facteurs impactants © Adèle Darras, Cirad

Ce projet utilise des données et des résultats existants lorsque ceux-ci s’y prêtent et génère de nouvelles données notamment lorsque les bases de données et les systèmes d’informations disponibles permettent des bilans partiels, ciblant souvent les seuls indicateurs économiques en omettant notamment la pluriactivité (activités agricoles et non-agricoles) des ménages.

Ce projet n’a pas vocation à remplacer les systèmes d’information officiels. En revanche, il propose de combler les déficits en informations par une plus grande souplesse analytique en réponse aux besoins des acteurs concernés qui pour certains d’entre eux sont rarement consultés et mal outillés pour y accéder et les analyser.

Quelles sont les échelles envisagées ?

Les échelles d’observations et d’analyse sont multiples, emboitées, spatiales et temporelles. L'unité d'observation de base est l'exploitation agricole.

Mais les transformations observées s’expriment à travers différents types de facteurs qui s’expriment à des échelles différentes qui s’empilent. Ainsi chaque échelle d’observations et d’analyses révèle des informations qui leurs sont propres et en occulte d’autres. Ceci montre ainsi tout l’intérêt d’une approche multiscalaire (dite « territoriale ») qui appréhende l’ensemble des informations nécessaires à la compréhension de l’organisation et des dynamiques d’un territoire. Ainsi chaque élément est décrit et hiérarchisé à travers des concepts précis, l’ensemble traduisant fidèlement cet emboitement d’échelles fonctionnelles.

Emboîtements d’échelles - Concepts associés (basé sur les travaux de Mazoyer, Cochet (2011)) © Adèle Darras, Cirad

L’échelle envisagée la plus large est celle du « territoire », pertinente pour étudier la diversité des exploitations ou des entreprises agricoles, des familles et des ménages ruraux et leurs dynamiques de changements. Elle désigne un espace géographique continu, dont les limites renvoient à différentes disciplines/approches (socio-politique et historique ; socio-environnementale ; socio-économique ; socio-culturelle). Ainsi dans le cadre de l’aide à la formulation de politiques de planification décentralisée, le territoire au sens administratif du terme est pertinent. En revanche, pour certains acteurs économiques tels que les coopératives les limites pertinentes du territoire seront plutôt de nature socio-économique (renvoyant aux bassins d’approvisionnement, zones économiques prioritaires, zones naturelles protégées…).

Le changement d’échelle qui implique l’agrégation et l’extrapolation de données au niveau d’un territoire reste un enjeu majeur qui nécessite de soigner particulièrement l'échantillonnage et la qualité de la donnée.

Quelles sont les données nécessaires? 

L’observatoire va capitaliser sur des données déjà collectées dans d’autres cercles et qui existent déjà comme celles des recensements agricoles, qui permettent de caractériser la structure des exploitations tout en visant l’exhaustivité sur un territoire ou encore les enquêtes ménages (de type LSMS-ISA). Bien que la valorisation de données existantes présente de nombreux avantages, elle nécessite cependant de s’intéresser à et de résoudre, au préalable, la problématique des droits d’accès et des règles d’utilisation de données notamment lorsqu’il s’agit de données individuelles. Leur robustesse et leur harmonisation doivent être également respectivement vérifiées et réalisées.

L'observatoire propose également de venir compléter ces jeux de données existants et ce, en fonction des besoins des acteurs mais aussi des caractéristiques propres de l’outil (à savoir la prise en compte de la nature du travail au sein de l'exploitation, de l'état des capitaux, de l'analyse des performances du système d'exploitation).

Par ailleurs, des données qualitatives sont également indispensables, à travers une approche à dires d’experts, afin de décrire et comprendre le fonctionnement des exploitations, leurs résultats ou les facteurs impactant les évolutions constatées.

Quelle est notre approche ?

En premier lieu, pour chacun des territoires ciblés, les contextes anthropique (démographiques, économiques, politiques et institutionnels…) et naturel (climatiques et écologiques), l’évolution au cours du temps du secteur agricole et les enjeux à relever sont décrits. Il s’agit de poser et de décrire le décor dans lequel l’observatoire va être développé

Dans le cadre d'une phase préalable de faisabilité, qui a débuté à Madagascar en avril 2021, la PRéRAD-OI travaille à la définition du périmètre et des activités de l’observatoire avec ses partenaires dans la zone. Ainsi par exemple sur le territoire malgache, un cahier des charges a été établi sur la base de :

  • l’inventaire des données existantes aux échelles micro (exploitation ou entreprise agricole / ménage) et méso-économiques (territoire et filière),
  • l'examen systématique des systèmes d’informations existants à ces échelles afin d’identifier les lacunes en matière de données et d’informations,
  • l’identification des partenaires intéressés par cet outil, en capacité de l’alimenter en données et/ou intéressés pour être utilisateur.

Ce cahier des charges précise les moyens humains et financiers nécessaires au déploiement de l’observatoire sur le terrain. 

Ces phases de faisabilité terminées, le déploiement et la mise en place des observatoires territoriaux se feront progressivement en fonction des moyens financiers et humains de l'observatoire. Des équipes projets seront constituées sur chacun des territoires concernés. Sur la base des données disponibles et de celles à collecter, elles concevront des enquêtes terrain afin de produire des données de qualité sur les exploitations agricoles, administreront ces questionnaires, contrôleront les données ainsi récoltées et les analyseront. Les performances économiques, environnementales et sociales des exploitations seront ainsi calculées, comparées; un reporting fait et mis à disposition des utilisateurs pour un suivi des transformations recherchées et un suivi de l’impact des investissements faits sur le terrain.

En parallèle, ce projet vise à coconstruire et partager un espace de production et de stockage de connaissances et de résultats originaux qui permettront de mieux appréhender et d’analyser cette diversité afin de répondre aux questions posées et de faire un diagnostic, des bilans et cibler les points d’actions-levier. Il représente ainsi un outil d’échanges, de réflexions et d’actions et alimentera les débats quant à la contribution des agricultures au développement durable dans cette région.

Il s’appuiera sur un dispositif de collecte de données de terrain, de gestion, d’analyse, de bilan et de diffusion d’informations à travers son propre système d’information. Plusieurs principes généraux guideront le développement de ce système d'information : 

  • L’utilisation du cadre harmonisé et éprouvé, développé dans le cadre de l'observatoire des agricultures du monde;
  • Un réseau composé d’observatoires territoriaux et/ou nationaux
  • Une gouvernance agile et légère avec la mise en place de comités de pilotage nationaux et d’un comité de pilotage régional, s'appuyant sur un comité scientifique et technique composé d’un collectif d’experts interdisciplinaire.
Source principale: Bosc et al. (2022) Guide opérationnel, Observatoire des Agricultures du Monde.
Rédacteurs: Isabelle Mialet-Serra (Cirad); Pierre-Marie Bosc (Cirad)

Date de mise à jour : 22 avril 2024