Les réseaux de Protection des Végétaux, Biocontrôle-OI et le projet EPIBIO

Date de mise à jour : 12 juillet 2023

Accroître la protection des végétaux et des cultures dans le sud-ouest de l'océan Indien, en travaillant des approches d'épidémio-surveillance et des solutions de lutte dite biologique.

Depuis sa création en 2003, le Réseau Régional de Protection des Végétaux est un réseau centré sur la santé végétale qui réunit 25 institutions partenaires répartis dans les cinq pays membres de la COI (France/La Réunion, Madagascar, Maurice, Comores, Seychelles).  Il a pour objectif principal de renforcer l’épidémiosurveillance régionale des maladies et des ravageurs des agrosystèmes et leurs contrôles en proposant des solutions de biocontrôle

En 2022, le dispositif en partenariat (dP) de recherche et de formation, Biocontôle-OIest créé et réunit aujourd'hui onze partenaires régionaux. Ce nouveau dispositif 1/ développe des solutions innovantes pour le biocontrôle (en étudiant les interactions multitrophiques pour la lutte biologique, en écologie chimique pour la lutte biotechnique et les stratégies push-pull, en évaluant des biocides d’origines naturelles et des stimulateurs de défense); 2/ intègre ces innovations de biocontrôle dans les itinéraires techniques au champ et en évalue les performances.

Le projet EPIBIO a pour objectifs spécifiques de mieux connaitre les espèces invasives et leurs biologies (cycles, comportement et plantes hôtes), de développer des moyens de lutte et de contrôle respectueux de l’environnement, d’évaluer les risques d’introduction de nouvelles espèces représentant un danger pour l’agriculture. 

Les questions réglementaires, spécifiques à chacun des pays concernés, font également l’objet d’échanges entre partenaires quant aux harmonisations possibles.

De plus, EPIBIO s’attache notamment à sensibiliser et à informer les populations locales concernant les menaces qui pèsent sur les productions végétales.

Les activités du projet EPIBIO s'articulent autour de trois axes principaux de recherche qui sont:

Surveiller les organismes nuisibles…

Sur un plan général, il s’agit d’améliorer et de renforcer les capacités de surveillance, de prévention et de riposte à travers une meilleure connaissance (diversités génétique et biologique) des ravageurs et des vecteurs et une bonne compréhension des dynamiques des populations de ravageurs (cycles biologiques en lien avec leurs environnements, déterminants responsables des proliférations…) et des maladies (épidémiologie, virologie).

Au préalable, les partenaires régionaux et nationaux ont été sensibilisés aux bonnes pratiques sur différents points que sont la connaissance du risque, la détection précoce d’agents pour lesquels le risque sanitaire est élevé et l’importance d’un travail coordonné qui mobilise les réseaux de surveillance préexistants et déjà actifs…structuration qui prévaut à une gestion et à une riposte efficace en cas de crises…

Plusieurs organismes nuisibles majeurs (bioagresseurs, virus et bactéries, leurs vecteurs, champignons…), de par notamment l’ampleur des risques socio-économiques qu’ils représentent sur des cultures majeures, sont scrutés. Le projet s’intéresse ainsi plus particulièrement au complexe d'espèces Ralstonia solanacearum responsable du flétrissement bactérien des Solanacées, de la pomme de terre en particulier à Madagascar dont les conséquences socio-économiques sont très lourdes pour les petits agriculteurs, impactant directement la production mais également la diffusion de tubercules sains. La collection et le typage des souches du complexe d’espèces Ralstonia solanacearum dans des zones non encore prospectées de Madagascar sont actuellement réalisés et viennent compléter les connaissances sur ce complexe afin d’établir des liens avec les souches identifiées dans les autres îles du sud-ouest de l’océan Indien (La Réunion, Maurice/Rodrigues, Comores et Seychelles).

Flétrissement bactérien Aubergine plant d'aubergine flétrie © Hasina Ny Aina Rasoamanana, Cirad 72 dpi 330-min

Le projet travaille également sur les mouches des fruits  (Tephritidae) qui touchent nombre de cultures fruitières et vivrières dans la zone; au varroa présent à Madagascar, à Maurice et à La Réunion qui menace l’abeille indigène (Apis mellifera unicolor) ; à la maladie bactérienne HLB ou greening des agrumes et son vecteur que sont le spylles ; au virus de la mosaïque du vanillier le Cymbidium mosaic virus (CymMV) détecté en 1990 et qui impacte les plantations de vanille du nord de Madagascar.; aux principaux ravageurs et aux maladies virales du manioc (dont le CBSD dont l’invasion a été confirmée aux Comores en 2017) ; aux xanthomonas présents sur de nombreuses cultures (fruits, cultures vivrières) et aux résistances au cuivre qui s’observent ; au jaunissement mortel du cocotier.

Varroa destructor © Cirad 72 dpi-min
Plants de manioc infectés CMD Comores © Hélène Delatte, Cirad 72 dpi 330-min

S’appuyer sur des outils d’aide à la décision…

La base de données du réseau PRPV recense l’occurrence de tous les organismes nuisibles (arthropodes, champignons, virus, bactéries) jusqu’à présent observés dans la zone ; l’ambition est aujourd’hui de poursuivre son enrichissement ainsi que la validation scientifique des données recensées et d’obtenir systématiquement une validation administrative par les Directions nationales de la protection des végétaux.

Base PRPV page d'accueil @ Cirad

En parallèle, les collections idoines sont continuellement enrichies. Au préalable une identification taxonomique morphologique de spécimens récoltés et stockés durablement au Pôle de Protection des Plantes (3P) est faite. Cette identification est également couplée au barcoding (identification par séquençage d’une portion d’un gène des organismes récoltés) qui apporte des éléments complémentaires et précis à travers l’empreinte génétique spécifique de chaque organisme ainsi référencé. L’idée est de développer, à terme, un portail qui permettrait d’identifier la plupart de ces ravageurs et auxiliaires grâce à leur empreinte génétique et/ou une photo.

Afin d’appuyer les réseaux dans leur travail et de partager l’information à une large échelle, il s’agit de s’appuyer également sur des outils numériques, qui sont de natures différentes.

L’application Pl@ntNet, outil collaboratif d’aide à la reconnaissance de végétaux à partir de photos rencontre un vif succès. Elle recense aujourd’hui une grande partie de la flore de La Réunion et de Maurice et est actuellement étendue aux Comores. Cet outil pourrait venir en appui à une biovigilance renforcée, notamment pour les espèces invasives règlementées activité évoquée pour un prochain projet.

Parallèlement, l’outil Di@gnoplant de la plateforme e-phytia, développée par l’Institut français de Recherche Agronomique (INRAe) est un outil mobile interactif et simple d’emploi, d'aide au diagnostic et au conseil en santé des plantes. Il a notamment été étendu à l’océan Indien avec le développement de deux modules qui décrivent, pour la région, les maladies et les ravageurs de cultures tropicales respectivement de la mangue et des agrumes. L’ambition aujourd’hui est de développer un module commun « fruits exotiques » (Tropifruit) à l’image du module sur les légumes tropicaux (Tropilég) déjà existant.

Afin d’outiller les acteurs engagés dans l’épidémiosurveillance dans la zone, l’ambition serait de coupler les atouts de Pl@ntNet à ceux de Di@gnoplant, en signalant pour le premier les plantes exotiques invasives règlementées et pour le second en alertant quant à l’occurrence des maladies et des ravageurs dans la zone, activité évoquée pour un prochain projet.

Mettre au point des méthodes de lutte biologique…

Le contrôle des ravageurs par leurs ennemis naturels ou lutte biologique est une stratégie durable et efficace de gestion des maladies des plantes. Le projet s’intéresse notamment au contrôle biologique d’hémiptères (aleurodes, psylles, cochenilles…) ou de diptères (mouches des fruits) qui sévissent sur des cultures alimentaires et non alimentaires d’intérêts pour la zone.

Bactrocera dorsalis femelle © Antoine Franck, Cirad 72 dpi 330-min

L’espèce de mouche du fruit la plus problématique dans la région est actuellement Bactrocera dorsalis, originaire du sud-est asiatique. Depuis sa première détection au Kenya en 2003, cette espèce s’est rapidement répandue dans les pays adjacents, notamment aux Comores en 2005, à Madagascar en 2010, à Maurice en 2015 et à la Réunion en 2017. Les premières études réalisées dans plusieurs pays dans la zone (Comores, Maurice, Réunion) font état de dégâts considérables sur les productions fruitières.

Ce travail de lutte biologique dans la zone a donc commencé par l’inventaire des espèces de parasitoïdes indigènes aux Comores (projet e-PRPV) et récemment à Madagascar (Epibio phase II). Depuis aux Comores, une demande nationale a été faite d’introduction d’un parasitoïde (Fopius arisanus) sur l’île de Grande Comores (Epibio phase I). L’objectif étant d’assurer la régulation biologique des populations de B. dorsalis afin de limiter les dégâts sur place et limiter les risques d’introduction dans la seule île encore indemne de la zone, les Seychelles. L’évaluation post-lâché de ce parasitoïde sur le taux de parasitisme est en cours d’évaluation aux Comores et se poursuit également à La Réunion.

Le projet s’intéresse également au contrôle biologique sur d’autres espèces représentant un intérêt socio-économique pour la zone.

Micro-guepe Leptocybe invasa Eucalyptus © Antoine Franck, Cirad 72 dpi 330-min

C’est le cas notamment des ravageurs de l’eucalyptus, espèce mellifère et intéressante pour ces huiles essentielles, mais aussi source de bois énergie à Madagascar. Ses ravageurs sont présents à Maurice, Madagascar et à La Réunion. Bien contrôlés par des parasitoïdes à la Réunion et à Maurice, ce n’est pas encore le cas à Madagascar où les parasitoïdes ne sont pas tous présents. Parallèlement à un suivi des dégâts sur les trois îles, une procédure notamment d’introduction de Quadrastichus mendeli à Madagascar, selon la règlementation en vigueur, est en cours.

Enfin, le projet s’attelle également à développer une stratégie de biocontrôle innovante du flétrissement bactérien par bactériophage. Le complexe d’espèces Ralstonia solanacearum est capable d’infecter une large gamme d'hôtes et notamment des cultures vivrières telles que la tomate ou l’aubergine…Il est donc important de trouver des moyens de luttes alternatifs. Déjà utilisés dans l’industrie agro-alimentaire, déjà expérimentés sur différents continents. Bien que spécifiques, les phages présentent un potentiel intéressant à explorer et à exploiter en agriculture dans le contrôle biologique des bactéries pathogènes des plantes.

Devant la grande diversité des souches d’intérêt, une étude préliminaire menée à Maurice a recensé et caractérise (génotypage et phénotypage, gamme d’hôtes, pathogénicité) un certain nombre d’espèces de ces virus, notamment dans les serres de tomates.

Flétrissement bactérien sur pommes de terre © Hasina Ny Aina Rasoamanana, Cirad 72 dpi 330-min
Rédacteurs: Isabelle Mialet-Serra (Cirad); Hélène Delatte (Cirad)

Date de mise à jour : 12 juillet 2023