Parole à l'association "Le Vélo Vert" à Maurice

Date de mise à jour : 25 juillet 2022

« Vers une agriculture vivrière mauricienne tournée vers l’agroécologie… » Nous échangeons avec Géraldine d’Unienville, fondatrice et Présidente de l’association « le Vélo Vert » à Maurice entre sa création et mars 2022. Géraldine revient notamment sur les ambitions et la place de l'association, créée il y a 8 ans, au vue des enjeux actuels que doit relever l’agriculture mauricienne …

La création de l’association « Le Vélo Vert » : la traduction d’un engagement tournée vers l’agroécologie…

Avant d’arriver à Maurice, Géraldine, son diplôme de l’école de Gestion de Namur (Belgique) en poche, travailla 3 ans au service de l’Union Européenne à Bruxelles sur des projets de développement EUROPAID pour l'Afrique et l'Asie du sud-est.

A son arrivée à Maurice, elle intégra le secteur privé avant de créer « Le Vélo Vert ». En 2012, devant les fortes perturbations en approvisionnement alimentaire dans le monde, liées à l’éruption sans précédent du volcan Eijafoel en Islande, fonder une association de soutien à l’agroécologie qui promeut des pratiques responsables, respectueuses de l’environnement et qui produit localement des produits agricoles alimentaires de qualité est apparu comme une évidence pour Géraldine. Elle est aujourd'hui responsable du pôle distribution de l'association.

Portrait Géraldine d'Unienville © Le Vélo Vert

Interrogée sur son parcours professionnel en tant que femme, Géraldine précise « dans ce type de projet, selon moi, les femmes sont écoutées attentivement, inspirant confiance sur la véracité du message délivré et sur sa mise en pratique sur le terrain effective et rapide ». Cependant Géraldine rajoute, très justement, que « le soutien et la mise en pratique des programmes proposés dépendent, avant tout, peu du genre mais bien des politiques décidées par le pays ».  Elle reconnaît ainsi que l’île Maurice offre un cadre propice à de telles initiatives et délègue au secteur privé et associatif une grande liberté d’actions dans le développement de solutions pour le pays, imposant un changement fondamental du mode de pensée mais aussi la mise à disposition de moyens financiers adaptés. C’est bien là que le politique est attendu afin de créer un environnement propice à l'action.

Vers des modèles raisonnés et intégrés de productions vivrières...

Selon Géraldine, les défis auxquels fait face l’agriculture mauricienne sont de trois ordres. Il s’agit d’assurer la sécurité alimentaire des mauriciens en notamment produisant localement, de saison ; cela passe par le doublement des surfaces plantées en fruits et légumes voire plus dès que l’activité touristique des grands hôtels reprendra à son plus haut niveau. Les sols mauriciens sont appauvris ; ce constat appelle à pratiquer une agriculture durable qui limite le travail du sol, les régénère et les protège de l’érosion avec la replantation de haies vives sur les parcelles et le développement de l’agroforesterie. L’écoulement local des récoltes est un problème qui reste entier. L’île Maurice ne produisant qu’un tiers de ses propres besoins alimentaires, des problèmes d’écoulement des récoltes restent, néanmoins, encore prégnants et ce même au plus haut de la crise sanitaire obligeant alors le pays à vivre plus ou moins sous cloche, une situation inexplicable... Les calendriers culturaux doivent être collectivement réfléchis, les engagements de production encadrés et assurés. Tout cela doit être réfléchi et organisé à une échelle nationale avec les autorités locales compétentes.

Brouette de légumes © JJF, Le Vélo Vert

Lors du confinement lié à la crise COVID-19, Géraldine précise que « les exploitations de 1 à 2 hectares, nécessitant peu de mains d’œuvre, faiblement voire pas mécanisée, tournées vers l’agroécologie avec des exploitants « hands on » résidents sur leurs exploitations ou à proximité afin d’éviter les vols, ont pu sortir leur épingle du jeu. La polyculture vivrière reste un modèle performant avec notamment des circuits d’écoulement des récoltes organisés localement qui fidélisent une clientèle d’habitués, assortis de ventes en précommande sur de plus gros volumes pour quelques productions afin d’alimenter les professionnels du tourisme (hôtels, restaurants...), les collectivités, les grossistes et les cantines scolaires… ».

Revenant sur le rôle des femmes dans le secteur agricole à Maurice, Géraldine souligne que celles-ci incarnent « une agricultrice qui soigne sa terre, une mère attentive à la transmission de valeurs, une consommatrice sensible aux pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, qui soutient les producteurs engagés, qui privilégie les produits agricoles et alimentaires de qualité».

Le Vélo Vert, une association engagée dans la formation pour le développement agroécologique de l’île Maurice…

Agropédagogie © JDV, Le Vélo Vert

Très concrètement, l’association promeut EMBEROI, son programme de formation en maraichage biologique à vocation régionale afin de soutenir les agriculteurs qui s’engagent dans cette voie. Elle est, par ailleurs, très largement engagée dans la sensibilisation et la formation des jeunes publics. Ainsi elle accueille des jeunes de 14 à 18 ans afin de suivre des ateliers agricoles hebdomadaires dans un cadre scolaire. Elle facilite dans la cadre de sa ferme « académie », l’accueil de stagiaires en insertion professionnelle âgés de plus de 18 ans. Au-delà, elle facilite la participation d’experts, de chercheurs ou de formateurs en agroécologie (sur des sujets divers (sol, faune, flore, gestion phytosanitaire) lors d’ateliers (EMBEROI, Workshop thématiques…) destinés aux producteurs déjà en activité et/ou en conversion biologique. Des conférences « Cultiver pour demain » ouvertes aux femmes des villages permettent de sensibiliser et d’ouvrir des opportunités de travail.

L’association a, par ailleurs, créé une plateforme d’aide à l’écoulement des productions dans le cadre d’une charte de qualité agroécologique.

Les ventes des productions de la ferme «école» permettent une certaine autonomie financière tout en faisant la preuve pour ce modèle de sa viabilité financière et sa profitabilité. Les activités de formations de l’association restent en partie couvertes par des ressources publiques et privées, renouvelées au fil de l’eau. Cette reconnaissance et ce soutien institutionnel locaux restent donc capitales.

Quant à la place et aux rôles des femmes dans l’association, l’équipe du Vélo Vert, constituée d’agronomes, de responsables de production et de vente est majoritairement féminine, avec huit femmes pour deux hommes. Des bras supplémentaires sont accueillis en période de plantation ou de récoltes, en fonction des besoins. Géraldine précise à ce sujet que « un temps de travail aménagé permet aux mères de famille d’assumer leur rôle au sein de l’association sereinement. L’association accueille aussi les enfants de nos employées sur la ferme en période de congés scolaires ce qui encourage d'ailleurs de nouvelles vocations ».

La coopération régionale, un moyen de partager des connaissances et un savoir-faire…

La coopération régionale permet d’échanger et de partager un savoir-faire dans le contexte du sud-ouest de l’océan Indien. Pour exemple, la phase 2 du programme EMBEROI a permis le jumelage de dix exploitations réunionnaises avec dix exploitations mauriciennes. De plus, la mise en commun de ces efforts représente un atout régional dans un contexte plus large.

Dans ce cadre, la PRéRAD-OI représente un maillon important à l’interface entre recherche et secteur privé avec un rôle de passeur ; elle doit faciliter et accélérer l’émergence de nouveaux projets d’intérêt partagé. Cette plateforme représente un cadre utile pour l’échange et le partage entre acteurs du secteur agricole régional…

Pomme de terre au stade feuille © Le Vélo Vert

Date de mise à jour : 25 juillet 2022