Contexte

A Rodrigues, l’agriculture, porteuse de traditions, est un secteur socio-économique important de l’île. En 2016, il représentait 34 % des emplois, mais 16% de la population active rodriguaise, principalement des femmes. Cette population est aujourd’hui vieillissante. De plus, ce secteur reste peu attractif pour les jeunes. Les exploitations sont petites (0,3 ha en moyenne) L’agriculture est une agriculture familiale (5083, contre 23 fermes capitalistiques (« business farms »)) ; les cultures vivrières de base sont les haricots rouges, l’oignon, l’ail, le maïs et les légumes ; quelques surplus peuvent être exportés. De plus, plusieurs agroproduits de Rodrigues ont été identifiés comme singuliers car présentant une forte typicité et des attributs de qualité originaux associant qualité organoleptique, savoir-faire local et reconnaissance commerciale, qualité reconnue dans l’océan Indien et à l’international. Ces filières sont les filières Limon, Ti-Piment et miel, qualifiées de production à haute valeur ajoutée. Par ailleurs, l’élevage concerne le porc, les bovins, les volailles, les petits ruminants (chèvres et moutons) pour une exportation vers Maurice. En 2014, 77,5% des fermes étaient diversifiées (polyculture-élevage).

Une ambition : la transition du secteur agricole rodriguais vers une agriculture biologique

L’assemblée régionale de Rodrigues a pour ambition de faire de ce territoire « une île écologique » qui doit à la fois améliorer le bien-être de la population résidente et devenir un atout majeur et affirmé dans le positionnement de ce territoire dans un panorama touristique très concurrentiel.

Pour ce faire, l’assemblée régionale de Rodrigues affiche un objectif de transition du secteur agricole vers une agriculture biologique d'ici 2030, plus sûre sur le plan sanitaire, respectueuse de son environnement et avec un appui plus marqué aux agriculteurs. Le recensement de 2014 montre que cette orientation est déjà présente chez les agriculteurs, puisque 81 % d’entre eux utilisent des intrants organiques. Des efforts particuliers sont notamment recherchés sur les productions agricoles à haute valeur ajoutée. Cette conversion biologique nécessite, en première approche, une analyse des systèmes agricoles existants et des ressources qu’elles mobilisent afin d’évaluer en toute connaissance de cause le champ des possibles en termes de coûts, de cadre réglementaire et d’investissements techniques et humains associés.

Une attention particulière pour la ressource en eau

Par ailleurs, une attention particulière est portée sur la contrainte en ressource en eau, tant en quantité qu’en qualité, et sur sa disponibilité. En effet, ce territoire se caractérise par des périodes de sécheresse à occurrences de plus en plus fréquentes, des pluies erratiques et une demande domestique en eau qui augmente et qui ne peut être couverte pendant les périodes les plus sèches. Par conséquence, l’eau agricole manque cruellement, entrainant des baisses de production en période de sécheresse et une perte de confiance dans ce secteur. On observe ainsi une diminution de la superficie des terres agricoles cultivées et/ou vouées à l’élevage, une perte de la biodiversité et des traditions que ce secteur véhicule. Aujourd’hui, seulement 90 ha de terre sont irrigués (pour plus de 1767 ha cultivés). Les quantités en eau mobilisables pour les activités agricoles restent donc un réel problème. Compte tenu de l’objectif d’agriculture biologique, une attention particulièrement sera portée également à la qualité de l’eau.

Une mission d’expertise pluridisciplinaire confiée au Cirad

Les objectifs de cette mission sont de deux ordres:

• #Volet BIO - Proposer différents scenarii quant à la transition vers l’agriculture biologique (AB) à Rodrigues en 2030 et ce dans le cadre du Plan de Développement Durable Intégré de Rodrigues (PDDIR) - sur la base de propositions d’actions concrètes à la fois techniques, organisationnels et temporels, et tenant compte de la possibilité ou pas de lever les contraintes identifiées et de maîtriser risques technique et financier que cette transition implique pour les producteurs.

• #Volet EAU - Elaborer une ébauche de Schéma Directeur d’Irrigation (SDI) véritable outil de planification visant à assurer une gestion raisonnée et efficiente de l’eau agricole tant sur les quantités que sur sa qualité.

Spécifiquement sur ces deux volets, c’est bien une approche multidimensionnelle qui est mise en œuvre :

Pour le #Volet BIO – Les systèmes de culture et d’élevage pratiqués sur l’île, pour les différentes productions et espèces élevées, ainsi que les pratiques associées, mises en œuvre par les agriculteurs et les éleveurs (en particulier en matière de gestion des ressources alimentaires, d’utilisation des traitements sanitaires et des pratiques de fertilisation et d’amendement organique) seront décrites.

Les différentes contraintes techniques, économiques et organisationnelles au regard des atouts de la conversion à l’AB, pour les principaux systèmes de culture et d’élevage et des différents types d’exploitations agricoles seront identifiées et décrites. De leurs appréciations et de la possibilité de les lever ou pas, dépendra le choix des dispositifs d’accompagnement (pour gérer les pics de travaux impliquant de la main d’œuvre extérieure aux exploitations, les surcoûts potentiels des investissements en mécanisation, l’accès aux semences et aux intrants, les besoins en formation et en conseil…).

Les modalités de soutiens publics à l’agriculture, leurs adaptations aux défis de la transition vers l’AB et les leviers représentés par les différents débouchés économiques que sont les marchés, la restauration collective, l’offre touristique seront analysés.

La faisabilité technique et réglementaire d’un système de certification adapté au contexte de Rodrigues (petite taille d’exploitation, circuits courts, GMS et export) est analysée et qui inclut la possibilité d’une certification par tiers et ou le recours à un système participatif de garantie.

Pour le #Volet EAU - Les enjeux de desserte pour l’irrigation agricole à l’échéance 2030 sur la base d’un état des lieux des ouvrages hydrauliques agricoles et des systèmes d’irrigation existants ainsi que des ressources en eau associées avec notamment une quantification des eaux de surface mobilisables pour l’irrigation des cultures seront précisés. Il s’agit d’avoir une bonne représentation de l’adéquation entre l’offre et la demande en eau des cultures et des moyens en terme de collecte de données associée.

Les besoins en terme de moyens techniques et logistiques nécessaires d’une part à la mise en place et à l’exploitation d’un réseau hydrométéorologique à l’échelle de l’île, et à la collecte, au stockage et à la distribution de l’eau d’irrigation dans les fermes individuelles et les groupes de fermes (moyens partagés), d’autre part, seront évalués.

La préfaisabilité technique d’un projet pilote pour la détermination de l’adéquation entre l’offre et la demande en eau et de la mise en place à l’échelle villageoise d’un démonstrateur de système d’irrigation efficient et économe en eau est envisagée.

Ces différentes analyses permettront d’asseoir différents scenarii prenant en compte à la fois les aspects agro-techniques et organisationnels identifiés sur ces deux volets et les contraintes liées, scenarii qui seront mis en en débat lors d’un atelier territorial réunissant les différents acteurs concernés par le développement de l’agriculture à Rodrigues.

A suivre !

Cette étude est financée par l’Union européenne sur le programme "EDF - Global Climate Change Alliance Plus (GCCA+) Programme Estimate", l’Assemblée régionale de Rodrigues sur fonds propres ARR et le Cirad.