Le dP One Health OI et le projet TROI

Date de mise à jour : 12 mai 2023

Améliorer la prévention et le contrôle des maladies infectieuses animales et humaines à travers une approche « une seule santé ».

"En 2005, une épidémie de Chikungunya a touché des dizaines de milliers de personnes dans la région de l'Océan Indien. Cet événement a confirmé que le partage des informations sanitaires au sein des pays de la Commission de l'Océan Indien (Comores, Madagascar, Maurice, France/Réunion et Seychelles) était essentiel. Parallèlement, des zoonoses comme la fièvre de la vallée du Rift et d'autres maladies animales à fort impact économique comme la peste des petits ruminants se sont déclarées, mettant en danger la sécurité alimentaire dans la région. Pour faire face à ces menaces, une approche « One Health, une seule santé » a été développée avec la mise en oeuvre du réseau SEGA One Health, chargé de la surveillance des maladies infectieuses humaines et animales et du dispositif en partenariat One Health Océan Indien, son alter ego chargé de la recherche." explique Eric Cardinale (Directeur adjoint de l'unité mixte de recherche ASTRE au Cirad).

Troupeau © Cirad

Officiellement créé en 2015, le dispositif de recherche et d'enseignement en partenariat (dP) One Health OI est un réseau régional de recherche et d’actions sanitaires, mettant en commun les compétences de plus de 120 professionnels de la santé animale, humaine et des sciences de l'environnement répartis dans huit pays du sud-ouest de l'océan Indien (Réunion, Madagascar, Maurice, Union des Comores, Seychelles, Tanzanie, Afrique du Sud, Mozambique). Il a pour objectif d'améliorer la prévention et le contrôle des maladies infectieuses animales et humaines suivant une approche régionale, intégrée, intersectorielle et interdisciplinaire dite "Une seule santé/one health". 

Les activités, qu'ils développent résolument tournées vers l’innovation, se déclinent autour de 5 axes de recherche et de développement qui sont:

Développer des approches nouvelles de surveillance…

De nouvelles voies de surveillance comme l’épidémiologie participative, la surveillance syndromique ou encore la surveillance fondée sur le risque sont explorées. Elles viennent compléter l’approche de surveillance épidémiologique traditionnelle déployée par le réseau SEGA One Health OI. La confluence et la convergence des informations ainsi récoltées permettent ainsi d’accroître l’efficacité des services de contrôle en cas de phénomènes sanitaires anormaux.

L’épidémiologie participative mêle ainsi la récolte de données épidémiologiques quantitatives et qualitatives pertinentes, présentes au sein des communautés locales, le savoir « ethnovétérinaire » (ensemble des connaissances des éleveurs en matière de santé animale), l’histoire orale traditionnelle et les dialectes locaux. Toutes ces informations sont confrontées à celles obtenues par les méthodes de surveillance épidémiologiques opérationnelles conduites au niveau national dans le cadre du réseau SEGA One Health. Cette approche est expérimentée aux Comores sur la Peste des Petits Ruminants (PPR) et à Madagascar pour la rage dans l’évaluation de la perception de ces deux maladies et son contrôle chez les éleveurs et les communautés villageoises.

Par ailleurs, le développement des protocoles de surveillance basée sur le risque permet d’optimiser la surveillance aux points d’entrée majeurs – ports et aéroports – sur un territoire afin de détecter de façon précoce de possibles introductions d’animaux infectés avant leur dissémination sur un territoire. Deux maladies sont en particulier ciblées : la PPR et la Fièvre Aphteuse (qui pourront être détectées en cas de signes cliniques avec des tests spécifiques), mais aussi toute autre introduction possible de maladies infectieuses à risque pour la région.

Formation aux techniques de biosécurité dans les élevages © Mathieu Roger, Cirad

Anticiper les risques sanitaires par une meilleure connaissance de la vulnérabilité des îles du sud-ouest de l’océan Indien…

La diversité des populations d’agents pathogènes responsables de la circulation des maladies infectieuses est étudiée ainsi que leurs vecteurs lorsqu’il s’agit de maladies vectorielles. Des travaux visent à caractériser les déterminants environnementaux (diversité des paysages, rôle de la faune sauvage et de ses réservoirs potentiels) et climatologiques (température, pluviométrie, vent) qui agissent sur leurs persistances ou l’émergence de certains agents pathogènes sur un territoire donné ainsi que les réservoirs potentiels de ces pathogènes. Leurs présences sont quantifiées, leur persistance dans leur environnement, évaluée. Ces données permettent à terme notamment de calibrer et de valider des modèles de distribution des agents pathogènes et de leurs vecteurs, modèles qui appuient la prise de décision quant aux actions de lutte à cibler.

Albomaurice Moustique © Anne-Lise Tran, Cirad

Aujourd’hui, ALBOMaurice, déclinaison de ALBORUN développé pour l’ARS à La Réunion, permet de prévoir en fonction de ces critères quand et où Aedes albopictus, moustique vecteur de la dengue à Maurice, se développera. « Les prévisions se présentent sous la forme de cartes et d'indicateurs que les services du Ministère de la Santé de Maurice peuvent utiliser pour identifier les priorités et optimiser les efforts d'intervention sur le terrain », précise Annelise Tran, chercheure au Cirad. Des scénarios de différentes stratégies de contrôle peuvent être ainsi simulés et comparés avant la prise de décision. Au-delà, ces approches de modélisation peuvent répondre au besoin prégnant de solutions pour contrôler dans de nouvelles zones de la région la propagation de maladies vectorielles telles que la dengue ou le chikungunya là où leurs moustiques vecteurs sont présents.

Albomaurice page d'accueil © Anne-Lise Tran, Cirad

Évaluer le risque potentiel de développement de résistance aux antibiotiques et identifier des pistes de traitements alternatifs…

Là aussi, l’approche est intégrée avec la prise en compte de différentes dimensions. La résistance de bactéries isolées sur les animaux d’élevage dans les îles du sud-ouest de l’océan Indien est caractérisée en parallèle de la situation observée chez l’homme en milieu communautaire et hospitalier. La transmission de ces résistances entre l’animal et l’homme est de plus scrutée. Les facteurs de risque qui facilitent l’apparition de ces phénomènes de résistance chez l’animal et l’homme sont étudiés toujours avec le souci de pouvoir prévenir ceux-ci. Les matrices moléculaires pour lesquelles des résistances peuvent s’observer sont identifiées. Enfin des solutions alternatives sont testées, l’idée étant d’explorer toute autre voie thérapeutique qui pourrait être une alternative aux antibiotiques, par exemple les huiles essentielles antibactériennes en parallèle à la mise en place de mesures préventives efficaces au sein des populations. Depuis quelques années, ces substances naturelles, qui avaient été délaissées au profit des molécules de synthèse, connaissent un regain d’intérêt.

A noter notamment que la Commission de l'océan Indien (COI) a identifié la surveillance de la résistance aux antibiotiques comme principale priorité de santé publique pour la région.

Développer des stratégies de lutte innovantes…

Mise au point Diagnostic © René Carayol

La mise au point et l’application de stratégies de lutte s’appuient à la fois sur le diagnostic (rapide et à haut débit), la modélisation épidémiologique et la surveillance (analyse du risque) mais aussi sur la connaissance approfondie des mécanismes impliqués dans le fonctionnement des agents infectieux (pathogenèse, transmission) et dans la protection des hôtes contre les infections (approches vaccinales, cibles thérapeutiques, mécanismes et durabilité des résistances des hôtes).

Cette approche très intégrée et pluridisciplinaire s’attache à décrire et à tenir compte du contexte (environnement, coutume, culture, habitat, météo, espèces vectrices…) dans lequel elle est mise en œuvre.

Aujourd’hui, des approches de lutte dite alternatives, concernant spécifiquement la lutte conte les vecteurs (moustiques, tiques, stomox) respectueuses de l’environnement, de la santé publique et intégrant la gestion de la résistance aux insecticides sont également recherchées. Là aussi de nombreux prérequis sont nécessaires qui passent entre autres par l’étude de l’écologie et de la biologie du vecteur ciblé afin de bien caractériser le maillon faible sur lequel on peut intervenir ainsi que l’étude des mécanismes de résistances aux insecticides.

De plus, l’impact socio-économique de telles stratégies dans les contextes étudiés à travers des analyses coût-bénéfice utiles aux pouvoirs publics est analysé. Enfin, la perception des éleveurs et des professionnels concernés vis-à-vis des maladies animales infectieuses et leur niveau potentiel d’appropriation des mesures de lutte disponibles et adaptées viennent étayer des évaluations sociologiques.

Former par la recherche…

Outre l’encadrement permanent de stagiaires et thésards, des cycles de formation-action sont également régulièrement déployés sur le terrain; elles permettent de renforcer durablement les compétences dans la zone et de parfaire la mise en place d’actions concrètes sur le terrain afin d’optimiser le fonctionnement, notamment, de la surveillance épidémiologique. Ces formations portent également sur bien d’autres sujets d’intérêt en lien avec les activités de recherche menées par le dispositif comme les systèmes d’informations géographiques et les outils cartographiques, la priorisation des maladies animales, les nouvelles technologies de diagnostic, le monitoring de la surveillance avec des indicateurs de performance, l’approche analyse de risque.

Dan ce cadre, la Mallette pédagogique en santé animale est un outil pratique de maintien des connaissances et de formation des vétérinaires, des assistants vétérinaires et des agents en Santé animale de proximité ou auxiliaires de terrain qui interviennent dans les zones rurales et urbaines, lors de l’apparition de maladies animales infectieuses majeures. La mallette pédagogique contient un manuel (le manuel MUPSA) et des guides de pratiques vétérinaires ; cet ensemble précise le rôle et les missions de chaque intervenant et leurs interactions sur le terrain, les techniques de bases en santé animale, les maladies animales les plus couramment rencontrées, les conduites à mettre en œuvre en cas de foyer infectieux, les méthodes de diagnostic et les médicaments susceptibles d’être utilisés. De plus, un kit à l’attention des formateurs précise les techniques pédagogiques d’apprentissage et d’animation de séances de sensibilisation.

Le projet TROI et le réseau SEGA One Health

Parmi les projets qu’il porte, le projet TROI, financé par l’Europe (au titre du FEDER INTERREG V) et la Région Réunion, traque les risques sanitaires dans la région océan Indien, en développant des solutions innovantes et pratiques. Il a pour objectifs spécifiques d’analyser la vulnérabilité des îles de la région à travers l’étude des déterminants favorisant l’introduction d’agents pathogènes dans les îles de la région et de l’antibio-résistance, de développer et se doter d'outils de surveillance (en lien étroit avec le Réseau SEGA One Health* qui opère également dans toute la zone), de contrôle et de lutte, innovants pour une réactivité et une riposte accrues et encore plus efficaces.

Dans l’océan Indien, les réseaux de veille sanitaire en santé publique et animale se sont regroupés depuis 2013 à travers le réseau SEGA One Health de la Commission de l’Océan Indien. La création du réseau SEGA One Health a fait suite au constat observé de manque de communication et de collaboration sur les données épidémiologiques entre les pays de la COI avant et pendant la crise du Chikungunya (2006). Les deux objectifs spécifiques du réseau sont : la mise en place d’un réseau régional de surveillance épidémiologique et de coordination de la réponse afin de gagner en efficacité et en rapidité et le renforcement des capacités nationales de surveillance des maladies à potentiel épidémique et de réponse aux épidémies dans les États membres de la COI.

Date de mise à jour : 12 mai 2023