Le réseau QualiREG et le projet Qualinnov

Date de mise à jour : 12 mai 2023

La qualité des produits alimentaires: de son élaboration au champ à sa valorisation post-récolte.

Depuis 2010, le réseau de coopération QualiREG fédère pas moins de cinquante institutions partenaires répartis dans les cinq pays membres de la Commission de l'océan Indien (Réunion, Madagascar, Maurice, Union des Comores et Seychelles). Ce réseau d'acteurs scientifiques et techniques vise à améliorer, qualifier et valoriser la qualité des produits alimentaires de l'océan Indien le long de la chaine de valeurs, du champ à la fourchette. Différentes compétences scientifiques et techniques en fonction des sujets divers abordés qui vont de l’analyse des déterminants de la qualité au champ en passant notamment par les problèmes de risques sanitaires et la promotion de produits à haute valeur ajoutée, sont mobilisées à travers des projets de recherche pour le développement.

Parmi les projets régionaux qu’il porte, le projet Qualinnov porte une attention toute particulière aux produits alimentaires régionaux et traditionnels de la zone quant à leur caractérisation, leur authentification, l’amélioration de la qualité des produits en frais et des procédés de transformation. Le projet, par ailleurs, accompagne les filières agroalimentaires à haut potentiel de valorisation, à travers des démarches de structuration et des démarches collectives de valorisation par la qualité et/ou l’origine (exemple qui est détaillé ci-dessous). La qualité sanitaire des produits est également un sujet prégnant avec le développement de méthodes de détection rapide de résidus d’hormones de synthèse dans les produits carnés, de présence de mycotoxines (riz, café…) ou de contaminants (métaux lourds…).

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Les démarches de valorisation par la qualité et l’origine des produits agricoles et alimentaires dans l'océan Indien : l’exemple de Rodrigues

Le pourquoi, le comment ?

Vous avez dit « qualité » ?  

Deux formes de qualité existent:

  • Générique qui fait référence aux normes sanitaires à respecter pour mettre un produit sur le marché ;
  • Spécifique qui désigne une caractéristique d’un produit, par exemple liée à l’origine de celui-ci.

Dans ce cas plusieurs formes de démarches volontaires de valorisation par l’origine peuvent être adoptées:

  • L’indication géographique (IG) qui a pour fonction d’identifier un produit originaire d’un territoire, dont la qualité, la réputation ou une autre caractéristique peuvent être attribuées à cette origine géographique ;
  • La marque collective qui a pour fonction d'identifier l'origine de produits et de services émanant d'un groupement d'acteurs (association, groupement de fabricants, de producteurs ou de commerçants, personne morale de droit public) autorisé à l'utiliser en vertu d'un règlement d'usage ;
  • La marque de certification qui est conforme à un référentiel de certification.

Pourquoi ? 

La mise en place de telles démarches apportent de nombreux avantages à la fois pour les producteurs, pour les consommateurs mais aussi pour les territoires dans leur ensemble. Bien que complexes, elles permettent notamment de :

  • Dynamiser les exportations : pour les producteurs, des démarches collectives de créations de labels, de marques collectives ou d’indications géographiques permettent aux producteurs d’accéder à des marchés à l’international plus rémunérateurs. Dans la zone sud-ouest de l’océan Indien, la plupart des produits typiques se vendent facilement sur les marchés locaux et régionaux ; seuls 10% des produits de la zone se retrouvent sur les marchés internationaux.
  • Lutter contre l’usurpation et la fraude : les fraudes et l’usurpation se multiplient, et affectent directement la réputation des produits agricoles et alimentaires de la zone. Dans certains pays, les contrôles sont imparfaits voire absents ; les produits contrefaits ou frelatés qui augmentent concurrencent les produits d’origine et nuisent à leurs réputations.
  • Garantir la sécurité sanitaire et la traçabilité : la mise en place d’une démarche de valorisation par la qualité et l’origine implique la mise en œuvre de démarches de contrôle qui permettent, selon un cahier des charges exigeant, de garantir au consommateur la sécurité sanitaire et la traçabilité des produits.
  • Structurer la filière, maîtriser la qualité et mettre en place des stratégies de commercialisation : La mise en place d’une démarche de valorisation permet à la fois de structurer et de coordonner les acteurs d’une filière, de maitriser la qualité grâce à la construction d’un cahier des charges strict et ainsi de valoriser les produits sur le marché à travers un label signe d’une valeur ajoutée.
  • Protéger les patrimoines biologiques et culturels : la mise en place de telles démarches permet de préserver la typicité des produits de l’élaboration de la qualité au champ à sa transformation ou sa conservation post-récolte.

Au-delà, les démarches de valorisation engendrent de nombreuses externalités positives sur l’ensemble du territoire concerné. Elles apparaissent, sur un territoire donné, comme des potentielles sources d’équilibre entre développement territoriale et sectoriel. Pour exemple, pour valoriser le porc de Rodrigues, une stratégie « terroir » a été mise en place ; elle permet de dégager des avantages économiques et environnementaux liés avec l’utilisation partielle d’aliments produits localement (relance de la culture du maïs), la diminution du degré de dépendance des éleveurs aux aliments concentrés et importés), avec la création de nouvelles activités touristiques et le renforcement de la réputation et de l’attractivité de l’île …

Comment ?  

La mise en œuvre de telles démarches nécessite une importante coordination horizontale et verticale impliquant tous les acteurs du territoire mais aussi la création d’un cadre juridique encadrant ces démarches par des organismes de contrôle. Pour mettre sur le marché un produit sous indication géographique, il est nécessaire de faire une demande d’enregistrement auprès des autorités compétentes du pays. En effet, les indications géographiques, les marques collectives ou les marques de certification sont des instruments de propriété intellectuelle, dont les procédures d’enregistrement dépendent des organismes en charge de ces questions.

L’exemple de Rodrigues…

Depuis 2013, la marque « Rodrigues Naturellement » vise la valorisation des produits rodriguais agro-alimentaires et artisanaux qui, sous cette marque, sont ainsi facilement identifiables sur les marchés locaux et internationaux. Cela a permis incontestablement de dynamiser l’exportation de ces produits.

En l’absence de réglementation nationale en matière d’agriculture biologique, de commerce équitable, de label environnemental, les producteurs qui souhaitent adhérer et utiliser cette marque, doivent préalablement acquérir une certification internationale (bio, commerce équitable, contrôle de la sécurité alimentaire dans le but de prévenir, éliminer et réduire à un niveau acceptable les dangers biologiques, physique ou chimique. (HACCP)…) exigeantes à obtenir et coûteuses… Par ailleurs, Rodrigues ne possède pas d’infrastructures de contrôle et envoie la totalité des échantillons à contrôler à Maurice.

Ce label reste donc encore difficile à obtenir et est coûteux … L’enjeu est donc de créer un environnement propice à l’émergence de démarches qualités officielles ce à quoi contribue le réseau QualiREG à travers plusieurs études qui ont débouchées sur des recommandations.

Dans ce cadre, le miel, le limon, le ti-piment et le café ont été identifiés comme des produits reconnus dans l’océan Indien et à l’international car présentant une forte typicité et des attributs de qualité originaux associant qualité organoleptique, savoir-faire local et reconnaissance commerciale.

Afin de limiter les fraudes et une concurrence déloyale et de positionner ces produits sur des marchés plus rémunérateurs, les efforts actuels portent principalement sur trois points principaux:

  • La structuration des filières : Il s’agit pour les producteurs de saisir l’intérêt de se regrouper, de se coordonner et de garantir la qualité, de mettre en œuvre une stratégie collective de commercialisation et de promotion marketing.
abeille méllifère fabrice-le-bellec-cirad

Exemples :

Pour le café de Rodrigues avec notamment la création d’une coopérative rassemblant des producteurs motivés réfléchissant collectivement sur la mise en place d’une démarche collective viable (cahier des charges)

Pour le limon avec une réflexion engagée sur une structuration verticale et un schéma d’exportation (regroupement des produits, tri, conservation, centrale d’import-export)

Pour le miel de Rodrigues avec le projet de création d’une marque collective « Le Bon Miel de Rodrigues » assorti d’un cahier des charges et de plans de contrôles.

  • Le renforcement de la capacité des opérateurs dans la maîtrise de la production, la caractérisation et le contrôle de la qualité des produits : les producteurs maîtrisent la production tournée vers la qualité de leurs produits agricoles et alimentaires ; les pratiques (agronomiques, sanitaires, contrôle qualité) sont améliorées le long de la chaîne de valeurs, dans le respect des normes sanitaires et dans le cadre de structures aux normes.

Exemples :

Pour le café de Rodrigues avec l’identification des zones agro-écologiques favorables à la culture de café ; une caractérisation sensorielle du café de Rodrigues (identification d’un produit présentant un bon équilibre en bouche) ;

Pour le limon vers une amélioration des itinéraires techniques afin de garantir la productivité des vergers et une production satisfaisante sur le plan sanitaire ;

Pour le miel de Rodrigues avec la rédaction d’un guide de bonnes pratiques apicoles à Rodrigues ; l’équipement d’une structure de transformation aux normes (le centre du miel), la formation HACCP (Analyse des dangers - points critiques pour leur maîtrise), l’équipement du laboratoire de la Commission de l’Agriculture pour le contrôle physico-chimique des miels, la constitution d’un jury de dégustateurs formés à l’analyse sensorielle et mise en place d’un laboratoire adapté.

  • La construction d’une base de connaissances partagée sur les produits et les filières, informant les décideurs, les acteurs du secteur et les consommateurs finaux, sur l’origine des produits, leur typicité et leurs conditions de productions.
Ti-piment Rodrigues © M. Roux-Cuvelier, Cirad

Exemples :

Pour le ti-piment avec la caractérisation et l’identification du type de ti-piment le plus apprécié des consommateurs ;

Pour le ti-piment /le miel / le limon, l’obtention d’informations géo-référencées.

Au-delà…

Des démarches de valorisation sont également mises en œuvre dans d’autres îles du sud-ouest de l’océan Indien ; à Madagascar par exemple des études sur la faisabilité de reconnaissance d’indication géographique ou de marques collectives pour des produits reconnus pour leur qualité comme le cacao (de la région de Sambirano), les baies roses, le poivre sauvage, les épices sont conduites.

Par ailleurs, le réseau QualiREG a lancé en 2017 une étude prévalant à une démarche de valorisation conjointe de plusieurs produits agroalimentaire à fort ancrage territorial. Cette démarche a permis d’identifier quelques produits agricoles et alimentaires des îles de l’océan Indien candidats. Une réflexion approfondie s’est portée en premier lieu sur le miel, ses caractéristiques intrinsèques liées à sa qualité et son fort ancrage territorial en faisant notamment un produit d’excellence. La faisabilité réglementaire pour l’ensemble des iles afin de mettre en place une filière d’export, la pertinence de créer une marque collective à l’échelle supranationale, un mode de gouvernance adaptée au cadre juridique et permettant des prises de décision démocratique et une redistribution plus juste de la valeur ajoutée ont été évaluées.

La faisabilité d’un tel projet a été énoncée sous certaines conditions. Plusieurs scenarii ont émergé afin d’opérationnaliser cette valorisation conjointe à travers une marque collective de produits d’excellence de l’océan Indien intégrant une redistribution équitable de la valeur ajoutée.

Le chemin reste encore long ; il s’agit sur certains territoires de poursuivre la structuration des filières avant d’initier une démarche collective de valorisation à plus large échelle afin de ne pas marginaliser les petits producteurs, de poursuivre à la consolidation d’un cadre juridique et de structures de contrôle. Des perspectives restent cependant prometteuses et confirment l’intérêt de soutenir les efforts des institutions dans les différents pays pour valoriser les productions locales et améliorer leurs qualités en collaboration avec les acteurs agricoles et agro-alimentaires de la région océan Indien.

Le réseau QualiREG entend continuer à renforcer, sur la durée, les compétences de ces acteurs par l’échange de savoir-faire, la formation pratique des producteurs et la réalisation d’études sur la faisabilité de systèmes de contrôle et de reconnaissance des produits sous signes de qualité.

Rédacteurs: Isabelle Mialet-Serra (Cirad); Claire Cerdan (Cirad)

Date de mise à jour : 12 mai 2023